Maud Druais

Doctorante en cotutelle allocataire de recherche à l’Université de Paris sous la direction de Marie Salaün et à l’Université Laval sous la direction de Natacha Gagné.

Contact : maud.druais@gmail.com

Titre de la thèse : Habiter une société coloniale du Pacifique, une approche spatiale de la colonisation blanche, libre et urbaine en Nouvelle-Calédonie entre 1864 et 1894

Résumé :

Ce projet de thèse s’intéresse à la mise en place à partir de 1864 du projet de colonisation de peuplement français en Nouvelle-Calédonie. Ce peuplement est issu de politiques migratoires ayant organisé le déplacement depuis la métropole de condamnés au bagne et de colons libres, mais aussi de travailleurs sous contrat en provenance d’autres territoires du Pacifique et d’Asie, tandis que les populations autochtones kanak furent reléguées dans des réserves à la fin du XIXe siècle. Ce projet de peuplement singulier a eu pour conséquence la fabrication d’une situation coloniale (Balandier 1951) caractérisée par la production de catégories sociales et raciales, de rapports de pouvoir spécifiques, ainsi que la construction d’identités nouvelles propres aux mondes coloniaux – blanche, autochtone, bagnarde, engagée, rurale, urbaine, etc.

Mon projet porte sur un groupe particulier au sein de cette mosaïque : celui d’une vingtaine de familles blanches bourgeoises, urbaines, libres de Nouméa, que je compte étudier grâce à une immersion dans les archives officielles et privées, iconographiques, mais aussi matérielles. Cet objet a été au cœur des travaux des historiens locaux des années 1960-1970, qui l’abordaient de façon européocentrée, en célébrant les « pionniers » de la colonisation ; il a ensuite été laissé de côté à partir des années 1970, dans un contexte où les revendications politiques kanak gagnaient en visibilité et où l’historiographie s’est davantage intéressée aux groupes subalternes.

Ce projet propose ainsi une analyse renouvelée des dispositifs de pouvoir à travers l’étude de la production de lieux particuliers pris ici dans une acception large et perçus comme autant d’espaces où se manifestait le processus colonial : il s’agit aussi bien des corps des sujets et du foyer familial, de la ville, que des flux et des lieux de la conquête coloniale à la fois en Nouvelle-Calédonie mais aussi dans la région. Le but de cette thèse est de comprendre comment ces familles urbaines habitaient – à travers les pratiques et représentations – l’espace colonial néo-calédonien et océanien, et comment cette colonisation s’articulait avec les dynamiques spatiales et sociales de la domination coloniale.

Cette recherche a pour but d’apporter un éclairage empirique complémentaire aux études s’intéressant au colonialisme de peuplement, forme particulière de colonisation ayant eu lieu, entre autres, en Australie ou au Canada. De plus, elle vise à donner des éléments de compréhension précis des différents ressorts spatiaux, raciaux et sociaux de la fabrique de la situation coloniale. En s’intéressant aux dominants, elle s’intéresse aussi aux dominés car pour analyser la production des catégories dominées, il apparaît nécessaire d’analyser la contribution des groupes dominants à la définition et à la production de ces catégories.

Ce projet est ainsi au cœur d’enjeux contemporains importants car il s’inscrit dans une actualité montrant que les mémoires de la colonisation sont encore à vif. Les débats suscités par les référendums sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie (2018, 2020, 2021) et ailleurs dans le cadre des réflexions sur les processus de décolonisation des populations autochtones montrent qu’il existe une demande sociale très forte pour mieux comprendre ces situations coloniales et leurs legs.

Mots-clés : anthropologie historique, situation coloniale, colonie de peuplement, habiter, espace urbain, Nouvelle-Calédonie (Océanie), rapports de pouvoir, circulations, migrations, fabrique de l’altérité