Journée d’étude : Religions, transnationalisation et nouvelles médiations

Le vendredi 4 avril 2014, à  Nice (Maison des sciences de l’homme et de la société du Sud-Est), salle plate, bâtiment SJA3, Campus Saint-Jean d’Angély. Plan d’accès plan détaillé
Journée soutenue par l’URMIS (UMR Migrations et Société), le LAPCOS (Laboratoire d’Anthropologie et de Psychologie Cognitive et Sociale), le Centre International de Recherche sur les Esclavages (CIRESC) et l’IDA (Institut des Amériques), dans le cadre du programme de recherche L’Europe et ses ” Autres “ de la Maison des sciences de l’homme et de la société du Sud-Est. Programme et résumé des interventions

Programme

 

 9h00 Accueil

 9h30 Introduction

 9h45 Nahayeilli Juarez (CIESAS, Mexique- Professeure invitée à  l’URMIS-UNS)

Religiosités afro-américaines au Mexique : un état de l’art

 10h15 Sylvie Pedrón Colombani (LESC, Université Paris Ouest Nanterre La Défense)

Transnationalisation du culte religieux de Maximon, Guatemala- États-Unis

 10h45 Paola Peralta (URMIS, UNS)

Circulation et marchandisation de biens symboliques : les enjeux économiques du culte au Seigneur des Miracles à  Madrid

 11h15 (Pause café)

 11h30 Discussion : Kali Argyriadis (URMIS, Paris Diderot)

 12h30 (Pause déjeuner)

 14h15 Arnaud Halloy (LAPCOS, Université Nice Sophia Antipolis)

Le style rituel : de l’esthétique au politique dans la transnationalisation des religions afro-brésiliennes

 14h45 Viola Teisenhoffer (LESC, Université Paris Ouest Nanterre La Défense)

De la transnationalisation des religions afro-brésiliennes au New Age et au néopaganisme : une étude de la pratique de l’umbanda à  Paris

 15h15 Emma Gobin (Labex CAP – IIAC)

Religions afro-cubaines et pratiques thérapeutico-spirituelles New Age à  La Havane : expérience rituelle, créativité et processus d’appropriation culturelle

 15h45 (Pause café)

 16h00 Katarina Kerestetzi (LESC, Université Paris Ouest Nanterre La Défense)

Objets rituels, espaces liturgiques et identité rituelle dans la transnationalisation des religions afro-cubaines

 16h30 Discussion : Sophie Bava (IRD-LPED-AMU)

 17h30 Conclusion et clôture : Arnaud Halloy et Christian Rinaudo

Coordination :

 Arnaud Halloy (Université Nice Sophia Antipolis, LAPCOS)

 Nahayeilli Juárez (CIESAS, Mexique, Professeure invitée à  l’URMIS-UNS)

 Christian Rinaudo (Université Nice Sophia Antipolis, URMIS)

Contacts : arnaud.halloy@gmail.com ; rinaudo@unice.fr

Présentation

Comme le soulignait M. Cantón (2001), ” paradoxalement, ce ne sont pas les religions, mais les prédictions qui auguraient de leur extinction qui semblent avoir échoué “. Ainsi, les thèses sécularistes qui pronostiquaient la fin des religions sont aujourd’hui mises en cause face à  l’émergence d’une pluralité de pratiques religieuses dans le cadre de la globalisation contemporaine. Dans ce contexte, bien que récentes, les études religieuses inscrites dans une perspective transnationale impulsées par les recherches portant sur la mondialisation et le transnationalisme se sont développées dans les années 1990 et constituent désormais un objet incontournable des sciences sociales (Bava & Capone 2010 ; Csordas 2007). Sociologues et anthropologues ont ainsi questionné le paradigme qui oppose modernité et religion, préférant appréhender les expressions et formes religieuses contemporaines à  partir de la modernité et non pas comme un phénomène s’y opposant (Cantón 2001).

Les recherches portant sur les nouvelles formes religieuses, tant au niveau des croyances que des pratiques, ont identifié différents processus : l’individuation, correspondant à  la demande d’une ” religion au choix “ mettant en avant l’expérience personnelle plutôt que le souci de la conformité aux vérités religieuses garanties par une institution (D. Hervieu-Léger 1999) ; la mobilité, renvoyant à  l’adhésion à  la communauté de son choix au nom de l’épanouissement personnel (Bertrand 2011) ; la mondialisation, conduisant à  une ” déterritorialisation du religieux “ (O. Roy 2008) et à  des emprunts spirituels à  des traditions religieuses exogènes ; la marchandisation, conduisant les acteurs à  agir en tant que consommateurs dans des marchés diversifiés, à  expérimenter et à  se confectionner une ” religiosité à  la carte “ (F. Champion et D. Hervieu-Léger 1990, F. Champion 1995) ; la médiatisation qui, à  travers les formats et styles propres aux médias, participe d’une spectacularisation des croyances et des pratiques et invite à  repenser les rapports entre le local et le global, entre le médiatique, l’esthétique et le politique dans la transmission religieuse (Meyer 2009, Van de Port 2011).

Dans ces travaux, les ” nouvelles formes du religieux “ ont souvent été interprétées comme les symptômes d’une supposée ” décomposition du religieux “ et présentées comme une ” nébuleuse “ ou comme une ” mouvance aux contours indécis et mobiles “ du fait de leur organisation inédite. Or, comme le souligne Viola Teisenhoffer (2008), l’antagonisme entre individu et société qui transparaît dans ces analyses semble provenir de l’imposition d’une grille de lecture théorique insuffisamment étayée par des données de terrain.

En partant de cette critique, nous proposons dans le cadre de cette journée de présenter et discuter quelques pistes de recherche s’appuyant sur des enquêtes ethnographiques de longue durée. Souvent menées par la mise en commun d’expériences de terrain diversifiées, celles-ci ont permis de dépasser l’échelle des études locales des mouvements religieux, toujours riches d’enseignements, pour appréhender la circulation intensive des discours, des images, des pratiques et des objets rituels qui ne cessent de s’échanger à  l’occasion de déplacements de personnes ou grâce aux moyens de communication modernes (Argyriadis K., Capone S., De la Torre R. et Mary A. 2012). Ces travaux ont également permis de préciser les mécanismes sociaux et politiques qui régulent la valeur des objets culturels dans un contexte de marché, et de souligner les conséquences pour les pratiques et représentations de leur constitution en tant qu’objets de consommation disponibles au sein de circuits mercantiles et médiatiques de plus en plus étendus (De la Torre et Gutiérrez Zàºà±iga 2005). Certains auteurs ont également mis en évidence l’usage désormais fréquent de médiations technologiques et artistiques dans le rapport au religieux (Grimaud 2008, Gell 1992, Christopher 2004), pratiques qui jouent un rôle central dans la réorganisation sensible de l’expérience religieuse en tant que telle, mais aussi dans l’émergence de nouvelles valeurs et normes qui lui sont associées (Meyer 2009, Van de Port 2001). De telles approches permettent ainsi d’appréhender l’offre religieuse globalisée à  partir de l’analyse des processus, des dispositifs et des acteurs qui ont contribué aux transformations et aux relocalisations des pratiques et des systèmes de valeurs et de sens.

Les discussions menées au cours de cette journée s’articuleront notamment autour des questions suivantes : Quels sont les effets produits par les entrecroisements entre les pratiques et les croyances religieuses transnationales et les logiques politiques, artistiques, esthétiques, médiatiques et marchandes ? Comment se structurent les relations de pouvoir dans les champs sociaux et religieux transnationaux ? Comment se construisent les ancrages symboliques (à  une terre ou une nation imaginée) dans le contexte des mobilités contemporaines ? Quels sont les implications et les enjeux méthodologiques de ces nouvelles dynamiques ?

Références bibliographiques

Argyriadis Kali, Capone Stefania, De la Torre Renée et Mary André (Eds), Religions transnationales des Suds. Afrique, Europe, Amériques, Paris, L’Harmattan, 2012.

Bava Sophie, Capone Stefania, (Eds.), ” Migrations et transformations des paysages religieux “, Autrepart, n&nbsp 56, 2010.

Bertrand Michel, L’Eglise dans L’Espace Public, Paris, Labor et Fides, 2011.

Cantón Delgado, Manuela, 2001, La razón hechizada. Teorà­as antropológicas de la religión, Barcelona, Ariel.

Csordas, Thomas, ” Introduction: Modalities of transnational trascendence “, Anthropological Theory, 2007, vol. 7, n&nbsp 3, p. 259-272.

Champion Françoise, ” Persona religiosa fluctuante, eclectismo y sincretismos “, in J. Delumeau (Ed.), El hecho religioso. Enciclodedia de las grandes religiones, Madrid, Alianza Editorial, 1995, p. 709-739.

Champion Françoise et Hervieu-Léger Danièle (Eds), De l’émotion en religion. Renouveaux et traditions, Paris, Centurion, 1990.

Pinney Christopher, Photos of the Gods. The Printed Image and Political Struggle in India, Londres, Reaktion Books, 2004.

Gell Alfred, ” The technology of enchantment and the enchantment of technology “, The Art of Anthropology. Essays and Diagrams, Oxford and New-York, Berg, 2006, p. 159-186.

Grimaud Emmanuel 2008, Dieux et robots. Les théâtres d’automates divins de Bombay, L’Archange Minotaure, 2008.

Hervieu-Léger Danièle, Le pèlerin et le converti, Paris, Flammarion, 1999.

Hervieu-Léger Danièle, ” Le partage du croire religieux dans des sociétés d’individus “, L’Année sociologique, vol. 60, n&nbsp 1, 2010, p. 41-62.

Meyer Birgit, Religion, Media, and the Question of Community, New-York, Palgrave Macmillan, 2009.

Roy Olivier, La sainte ignorance : le temps de la religion sans culture, Paris, Le Seuil, 2008.

Teisenhoffer Viola, ” De la “Nebulosa Mistico-Esoterica” al circuito alternativo “, in K. Argyriadis, R. De la Torre, C. Gutiérrez Zuà±iga et A. Aguilar Ros (Eds), Raà­ces en Movimiento: prácticas religiosas tradicionales en contextos translocales, Zapopan, Jalisco, El Colegio de Jalisco, 2008.

Van de Port, Mattijs, Ecstatic Encounters. Bahian Candomblé and the Quest for the Really Real, Amesterdam University Press, 2011.