Afrodesc : Afrodescendants et esclavages : domination, identification et héritages dans les Amériques

Les Rencontres AFRODESC / EURESCL L’autre métissage. Nation, ethnicité, inégalités (Amériques, Caraibe, France) ont été organisées à  Nice, au Campus St-Jean-d’Angély, du 8 au 10 novembre 2011.. =>Posters

Site web : http://www.ird.fr/afrodesc

La traite et l’esclavage ont été, dès leur origine, des phénomènes globalisés. L’enjeu de ce projet est de rendre compte de cette dimension globale des dynamiques sociales étudiées (désormais qualifiées par les termes de ” diaspora “, ” Black Atlantic “, ” circulations transnationales “), tout en menant des recherches sur des terrains localisés, qui seront à  la fois confrontées entre elles et replacées dans un cadre plus large.

Le travail multidisciplinaire depuis et sur les sociétés coloniales et post-coloniales, du nord et du sud, vise à  dépasser deux tendances récurrentes des discours sur l’esclavage : celui de la mise en accusation des sociétés occidentales qui passe par une confusion généralisante entre colonialisme, esclavage et racisme ; celui de la victimisation, qui tend à  naturaliser la différenciation culturelle et d’origine en l’instituant comme ” race “, immuable et définitive.


1. Contexte scientifique et objectifs du projet

Des « lois mémorielles » aux mobilisations autour de la « question noire », en passant par la patrimonialisation d’une culture afroaméricaine, l’actualité nous montre que la représentation de l’esclavage est devenue un enjeu fondamental, aux multiples facettes, pour comprendre la construction historique et l’évolution contemporaine de sociétés marquées par un événement traumatique. A la fois commun et parfaitement asymétrique dans son expression et ses conséquences, l’esclavage- et son actualisation dans des rapports sociaux contemporains- place la réflexion au cœur de la (re)définition des relations Nord-Sud et affecte également les interactions entre les Suds eux-mêmes.

Dans un champ scientifique marqué par la référence quasi exclusive aux concepts anglo-saxons de ‘iaspora » et d’ « hybridité », nous nous inspirerons des travaux empiriques et des apports théoriques latino-américains sur les identités ethniques et les politiques multiculturelles, inscrites dans des rapports sociaux appréhendés comme hégémoniques, à  l’échelle nationale et internationale. D’autre part, nous nous situerons dans le cadre d’une « histoire globale » qui vise à  saisir un tableau d’ensemble de la traite (la « big picture » de David Brion Davis), à  partir d’une multiplicité d’acteurs, de lieux et d’événements.

2. Description du projet, méthodologie

Le projet comprend trois grands axes thématiques. Le premier vise à  reconstruire la généalogie d’un stigmate et à  interroger le rapport entre esclavage et racialisation. Il s’appuie sur une analyse de la production et de la circulation des catégories d’auto-désignation et hétéro-désignation des esclaves et de leurs descendants. Puis la question de l’association entre « esclave » et « noir » sera étudiée sur la longue durée avec la mise en place de cadres socio-raciaux dans différents contextes coloniaux et post-coloniaux. Enfin, la permanence et le renouvellement de pratiques d’inclusion/exclusion seront analysés au travers des formes prises par le racisme contemporain.

Un deuxième axe porte sur le rapport entre identité, citoyenneté et nation. Il met l’accent sur la situation latino-américaine qui a connu une évolution de la définition de la nation en termes de métissage, conçu dans une logique d’homogénéisation, vers l’introduction de politiques multiculturelles, à  travers lesquelles l’ethnicité est désormais un gage d’intégration. Il s’agira alors de confronter divers contextes afin de faire apparaître les mécanismes nationaux de définition et d’institutionnalisation de la citoyenneté et de reconnaissance de la différence. Finalement, les processus de mobilité, appréhendés sur le temps long, permettront de mieux comprendre les logiques transnationales, porteuses d’une citoyenneté ethnique globalisée et d’une superposition d’ancrages nationaux.

Le dernier axe porte plus spécifiquement sur les formes de circulation et de relocalisation de signes liés à  l’histoire de l’esclavage et à  une culture afroaméricaine. On interrogera notamment la mise en place de politiques de la mémoire et de la patrimonialisation de l’esclavage qui tendent à  redéfinir les identités locales et à  les inscrire dans un marché globalisé de la différence. Avec le développement d’un tourisme culturel et la promotion mondiale des fêtes et carnavals, il s’agira également d’étudier l’imposition de formes de représentations qui légitiment ou délégitiment certains faits historiques et certains traits identitaires.

Une démarche complémentaire, entre approches historique et contemporaine, s’impose afin de mieux comprendre les formes de continuité et de rupture ayant marqué les sociétés esclavagistes et post-esclavagistes et les modes de resignification actuels d’un héritage douloureux. De plus, si notre objet sera appréhendé dans sa dimension globale, au sein de l’espace ouvert par la traite transatlantique, le travail de recherche reposera sur la mise en commun d’études localisées mettant en lumière la diversité des dynamiques sociales, culturelles, politiques, intellectuelles liées à  l’esclavage. Outre la réalisation de recherches empiriques originales, le travail conjoint depuis et sur les sociétés coloniales et colonisées permettra de confronter nos méthodes, nos références théoriques, nos productions (et leur diffusion) sur chacun des « lieux » retenus.

3. Résultats attendus

Nous espérons ainsi dépasser deux tendances récurrentes des discours sur l’esclavage : celui de la mise en accusation des sociétés occidentales qui passe par une confusion généralisante entre colonialisme, esclavage et racisme et s’exprime politiquement au travers de la question des réparations ; celui de la victimisation, qui tend à  naturaliser la différenciation culturelle et d’origine en l’instituant comme « race », immuable et définitive. Au moment où apparaît, en France, une « question raciale », il s’agira de mieux comprendre les expériences latino-américaines et caribéennes en termes de politiques multiculturelles, tout en favorisant une meilleure connaissance, au Nord, des travaux scientifiques réalisés au Sud. Enfin, en associant chercheurs et enseignants, le projet vise également à  élaborer des outils didactiques sur la traite et l’esclavage, qui permettront de combler une grave lacune au niveau des programmes scolaires français.

Institutions participantes

 Institut de Recherche pour le Développement (IRD)

 Centre d’Etudes Mexicaines et Centraméricaines (CEMCA)

 Instituto Nacional de Antropologà­a e Historia (INAH)

 Universidad de Cartagena

 Groupe De Recherche International sur les Esclavages (GDRI Esclavages)

 Unité de Recherche Migrations et Sociétés (URMIS)

 Institut Universitaire de Formation des Maîtres (Paris 12 – IUFM de Créteil)


Axe 1 : Esclavage et racialisation : généalogie d’un stigmate

Co-responsables

 Cottias Myriam (GDRI Esclavages)

 Velázquez Maria Elisa (INAH)

Chercheurs

 Bonacci Giulia (URMIS)

 Correa Ethel (INAH)

 De La Serna Juan Manuel (UNAM)

 Funsarep y Centro de cultura Afrocaribe

 Geneste Elsa (GDRI Esclavages)

 Quintero Oscar (IRD, Université de Rennes 2)

 Restrepo Eduardo (Universidad Javeriana)

 Rogers Dominique (GDRI Esclavages)

Axe 2 : Nation, citoyenneté, identité : multiculturalisme et recomposition des relations Nord-Sud

Co-responsables

 Audebert Cédric (GDRI Esclavages)

 Hoffmann Odile (CEMCA)

Chercheurs

 Agudelo Carlos Efrén (CEMCA)

 Cunin Elisabeth (IRD et GDRI Esclavages)

 De Almeida Mendes António (GDRI Esclavages)

 Lara Gloria (CIESAS)

 Lestage Françoise (URMIS)

 Ortiz Cassiani Javier (Universidad de Cartagena)

 Poiret Christian (URMIS)

Axe 3 : Circulation globalisée et relocalisation de signes culturels afrodescendants

Co-responsables

 Avila Freddy (Universidad de Cartagena)

 Rinaudo Christian (URMIS et IRD)

Chercheurs

 Béchacq Dimitri (IRD)

 Gutierrez Sierra Edgar (Universidad de Cartagena)

 Juárez Huet Nahayeilli (CIESAS)

 Pérez Montfort Ricardo (CIESAS)

Axe transversal : enseigner l’esclavage

Responsable :

 De Suremain Marie-Albane (Paris 12 – IUFM de Créteil)

Chercheurs

 Aprile Thierry (Paris 12 – IUFM de Créteil)

 Mesnard Eric (Paris 12 – IUFM de Créteil)