Soutenance de thèse de Jeanne Bureau

Le vendredi 18 décembre, à 9h, à l’Université de Paris, Jeanne Bureau soutient sa thèse de socio-anthropologie réalisée sous la direction de Nicolas Puig.

Titre : Camerounais à Oran (Algérie) : parcours migratoires, insertions urbaines et lieux de sociabilité.

Composition du jury :

  • Sylvie Bredeloup, Directrice de recherche, UMR LPED IRD/AMU, examinatrice
  • Jane Freedman, Professeur, Université Paris 8, CRESPA, GTM, CNRS, rapporteure
  • Anaïk Pian, Maîtresse de conférence, Université de Strasbourg, rapporteure
  • Nicolas Puig, Directeur de recherche, IRD, Université de Paris, URMIS, directeur
  • Mahamet Timera, Professeur, Université de Paris, examinateur

Mots-clefs : Algérie, Oran, migrants camerounais, parcours migratoires, insertions urbaines, organisation communautaire, ethnographie, lieux de sociabilité, ghettosmaquis

Résumé :

Cette thèse s’intéresse à la présence de migrants camerounais dans la ville d’Oran en Algérie, pays qu’ils considèrent pour la grande majorité d’entre eux comme un « pays de transit », quelle que soit la durée effective de celui-ci. Cette thèse est articulée autour de trois grands axes : les parcours migratoires, les insertions dans la ville d’Oran, et l’ethnographie détaillée des maquis camerounais, lieux de sociabilité et de loisirs.

Cette étude porte essentiellement sur l’organisation communautaire développée par les Camerounais en Algérie, et la façon dont ils s’insèrent dans une société qui les rejette. La contextualisation de l’immigration subsaharienne en Algérie montre qu’elle constitue un sujet sensible dans un pays qui n’accepte pas la présence de ces migrants.

En retraçant leurs parcours migratoires, les causes de départ du pays d’origine sont analysées, ainsi que leurs espoirs sur une vie future en Europe et leur vécu du voyage effectué par route. Les itinéraires empruntés sont soumis à des évolutions en fonction des politiques des États concernés et les migrants sont dans une constante vulnérabilité qui les expose tout du long du voyage aux violences des différents acteurs de la mobilité. Sur la route migratoire, les ghettos sont des lieux d’hébergement communautaires d’auto-organisation, affranchis des lois du pays hôte et dont l’existence incertaine est soumise aux aléas des expulsions. Dans ces lieux où les règles sont strictement définies, il existe de l’entraide mais aussi de l’exploitation, les figures hiérarchiques exerçant leur pouvoir sur les migrants de passage. Dans ces circonstances, le schéma de mise en couple relève à la fois de la protection et de la prédation des femmes et est très précaire : généralement, il s’agit d’un arrangement temporaire intimement lié à la situation migratoire et permettant à chacun des partenaires d’avoir accès à certains services.

À partir de la description détaillée de plusieurs habitats et quartiers investis par les migrants, leurs insertions dans la ville d’Oran sont présentées. Des économies, qualifiées d’« informelles », voire illégales, sont déployées dans un contexte très particulier où ils n’ont pas accès au marché du travail formel. Dans une société d’où ils sont rejetés de toute part tant par le pouvoir étatique que par la population locale, les migrants développent une organisation communautaire qui leur est propre, avec son système d’entraide, sa hiérarchie, ses règles et ses sanctions, notamment afin de pallier les manques dus à leur impossible intégration. Ce système créé en migration, délimitant les statuts et les rôles de chacun et différent du système de valeurs du pays d’origine, permet aux Camerounais de faire face ensemble aux épreuves liées à leur vie en Algérie. Cette organisation informelle, bien que souvent efficace pour procurer une aide et réguler les conflits, aurait aussi des failles et des dérives, et certains Camerounais en seraient insatisfaits. Les appartenances mises en avant par les Camerounais et la pluralité des relations interethniques entre Camerounais et Algériens sont également décrites, dans un contexte où l’intolérance religieuse et le racisme anti-noir s’expriment ouvertement, donnant lieu à des actes de discrimination.

L’ethnographie des maquis permet enfin de présenter ces bars-restaurants informels tenus par les migrants camerounais et destinés à une clientèle subsaharienne. Ces lieux de premier accueil pour les femmes voyageant seules, sont à la fois à la marge et à l’intérieur de la ville et font centralité dans la vie des migrants camerounais par leur dimension sociale.