2. Programme 1.2. : Cycle de vie, famille et mobilités

Chercheur-e-s: M. Lesclingand, F. Lestage, Z. Ouadah-Bedidi, S. Potot

 Doctorant-e-s : L. Cuartas, Du Juan, S. Musinde Sangwa, D. Park

La mobilité affecte profondément toutes les étapes du cycle de vie, de la plus petite enfance à  la mort en passant par les modes de composition familiaux. Que la famille nucléaire migre de façon unitaire ou bien qu’elle soit décomposée géographiquement du fait de la migration d’un ou de plusieurs de ses membres, les mouvements de population invitent à  interroger l’ensemble des liens familiaux, depuis l’éducation des plus jeunes par les aînés qui en ont la charge légitime jusqu’au mariage et aux rituels associés à  la fin de vie de ceux qui décèdent loin du lieu de leur ancrage social. Le modèle traditionnel du couple marié vivant sous le même toit et élevant ses enfants biologiques jusqu’à  la fin de leur adolescence laisse la place à  de multiples arrangements sociaux inventés par des sujets qui partagent leur vie entre différents lieux. Que ces nouveaux modèles se vivent de façon harmonieuse, en accord avec le système social qui les produit, ou qu’ils se dessinent dans la déviance, ils interrogent les paradigmes fondamentaux de la sociologie et de l’anthropologie de la famille, de la mort et des solidarités intergénérationnelles.

Une partie des recherches s’intéressera aux mobilités juvéniles masculines et féminines qui se sont particulièrement développé depuis ces dernières décennies dans plusieurs régions d’Afrique de l’Ouest. Si les migrations masculines ont longtemps été envisagées comme une résultante de stratégies familiales de diversification des revenus, il apparaît que cette grille de lecture est insuffisante pour comprendre les migrations des jeunes, et notamment celles des adolescentes qui entrent en concurrence avec un autre type de stratégie familiale, relatif à  la mise en union précoce des filles. L’essor des pratiques migratoires féminines s’est réalisé dans un contexte de très faible scolarisation et ces mobilités pouvaient être appréhendées, par certains aspects, comme une forme d’apprentissage, palliant l’absence d’éducation formelle. Le développement récent (depuis les années 90) de la scolarisation des garçons comme des filles amène à  repenser la relation entre migration et école. Il s’agit ici de poursuivre des questionnements déjà  engagés d’une part sur l’articulation de ces mobilités pendant la jeunesse avec les logiques familiales ; d’autre part, sur les conséquences des migrations des jeunes sur les rapports de genre et sur les rapports intergénérationnels. Ces aspects seront particulièrement abordés à  travers les processus d’autonomisation et d’individualisation induits et renforcés par la migration, se traduisant notamment par un désengagement progressif des aînés dans la gestion des affaires matrimoniales et par un affaiblissement de l’encadrement social des jeunes.

Une autre partie des travaux de ce programme a pour objectif de croiser la mobilité des personnes et les étapes du cycle vital. On s’attachera d’une part à  l’étude des modifications des rapports de genre et du mariage en contexte de migration en s’interrogeant sur les évolutions dans les modes de résidence en famille, les comportements matrimoniaux et procréateurs et les rapports intergénérationnels. Une attention particulière sera portée au statut de la femme dans les couples migrants, considérant que celle-ci est pleinement actrice de l’activité migratoire même lorsque ce n’est pas elle qui part. D’autre part, on analysera la gestion sociale, politique et économique de la mort en migration : quelles solidarités sont mobilisées pour transférer les restes des défunts d’un pays à  l’autre ? Quel rôle jouent les États d’origine et d’accueil dans l’encadrement de ce processus ? Les restes humains constituent en effet un ” objet “ qui permet d’étudier les flux, les réseaux et les solidarités ou encore les territoires, celui des défunts étant construit et contrôlé par les vivants. Dans le cadre de l’anthropologie des mobilités, il s’agira de s’interroger sur l’inscription des migrants défunts dans l’espace transnational à  travers les pratiques liées à  la mort, les réseaux de personnes mobilisées pour transférer les corps des défunts, les institutions étatiques et les entreprises commerciales.

Ces questions seront abordées à  partir des enquêtes suivantes :

 Migrations infantiles et juvéniles au Mali (M. Lesclingand)

 Mariage et migrations au Maghreb (Z. Ouadah-Bedidi, S. Potot)

 Gestion politique économique et rituelle de la mort entre les États-Unis et le Mexique (F. Lestage)


Thèses en cours :
Filles au pair à  Paris, New York et Medellà­n (L. Cuartas) ; Bangladais à  Paris (D. Park) ; rapatriement des corps en République Démocratique du Congo (S. Musinde Sangwa) ; Familles chinoises à  Paris (Du Juan)