Présentation du groupe de recherche « Anthropologie de la disparition » (2017-2020)

NB. Le groupe « anthropologie de la disparition » s’est transformé en 2021 en groupe « Violences, disparitions, morts »

Extrait projet quinquennal 2019-2023, présenté à  l’automne 2017


Coordination : M. Hovanessian (CNRS Paris), N. Puig (IRD Paris)

Ce groupe de recherches s’inscrit dans la continuité d’une anthropologie de l’exil en tant qu’expérience du ” hors-lieu “. Nous avons questionné en ce sens dans la longue durée, la pertinence sociologique et anthropologique du concept de diaspora comme ” espace de fiction actif “ (Hovanessian 2008). Bon nombre de chercheurs ont conçu les diasporas comme résultant d’une violence politique d’exclusion de grande ampleur touchant un peuple, une collectivité ethno-culturelle, une minorité nationale. Ce groupe de recherches qui ambitionne de devenir un séminaire si possible mensuel, poursuivra les interrogations sur les effets du gommage du lieu anthropologique et le ” hors-lieu “ de l’exil extrême (la déterritorialisation) en introduisant cette fois, un degré supérieur des violences d’État autour d’un dispositif de la terreur, celui de la disparition. Nous avons travaillé cette question à  travers la problématique génocide et transmission en analysant la complexité des mises en récit du passé (Hovanessian, 2013) où apparaissent dans le cas arménien des sédimentations de la mémoire. Nous comptons questionner l’exercice de la terreur, les génocides, la répression et les crimes de masse dans l’articulation ” Violence d’État et psychanalyse “ à  la fois comme processus politique et comme dislocation des sujets (trauma, impossibilité du deuil, perte du lien à  l’autre). Pourquoi certains États ont- ils recours à  l’extrême violence qui vise à  la déshumanisation, à  l’effacement des traces et à  la destruction de la possibilité de transmission, et donc à  la destruction même du principe de génération. Et pourquoi le déni accompagne t’-il nécessairement cette violence extrême ?

Il s’agira d’examiner dans une perspective transdisciplinaire (philosophie, anthropologie, psychanalyse), sur de nombreux terrains et dans une perspective comparée, ” l’avènement d’une époque de la disparition “ selon les termes de Jean-Louis Déotte, philosophe, qui a beaucoup travaillé sur la disparition telle qu’elle a été pratiquée en Amérique Latine au cours des dernières décennies, ” caractérisée par l’élimination sans traces d’un ennemi retraité en indésirable “. J_L Déotte met aussi en évidence le déploiement des enjeux de la disparition dans le domaine politique et esthétique. Cette question du ” sans traces “ est absolument essentielle, notamment en ce qui concerne le génocide des Arméniens et son déni. Les commentaires de certains écrits sur la Shoah ont été également importants pour cerner ce que les témoins d’une catastrophe absolue peuvent transmettre, pour saisir la machine de mise en oeuvre d’une inhumanité séparée de tout rappel à  l’humanité. Inconcevable inhumanité mais néanmoins de l’ordre d’une réalité du passage à  l’acte, d’une destruction qui a été pensé, préméditée (Hovanessian, 2009). Les thèmes du deuil, de la survivance et du trauma, du sujet social et du sujet inconscient, de la dette psychique et de la honte seront abordés à  la suite de travaux précédents. Notre regard se montre de plus en plus attentif aux articulations théoriques entre catastrophe sociale et désintégration des formations métapsychiques (Kaà«s R, 1989). Nos participations régulières à  des journées d’étude et à  des séminaires ont favorisé des rencontres importantes et déterminantes notamment avec la psychanalyste Janine Puget en Argentine, auteur d’un ouvrage collectif important. Par ailleurs, il s’agira de repérer des modes de résistances possibles individuelles et/ou collectives. Divers supports du témoignage à  la mise en forme esthétique (littérature, art, écriture de l’anéantissement, fonction du témoignage, stèles commémoratives, luttes politiques) seront examinés afin de rendre compte de ces subjectivités résistantes face à  la dissolution, comme dans le cas de l’art palestinien (Puig, 2009).

Production scientifique
Ce groupe de travail sur l’anthropologie de la disparition aura pour ambition l’organisation d’un séminaire dont la régularité sera à  préciser, l’organisation d’un colloque durant le prochain contrat suivi de la publication des actes.

Bibliographie
AGIER M., Aux bords du monde, les réfugiés. Paris, Flammarion, 2002.
BROSSAT A., DEOTTE J-L., 2000, L’époque de la disparition, Politique et esthétique, L’Harmattan. BROSSAT A., DEOTTE J-L., 2002, (dir.), La Mort dissoute. Disparition et spectralité, Politique et esthétique, L’Harmattan.
HOVANESSIAN M., 2009, Traversées de lieux exilés : recoudre les fragments. Anthropologie sociale et ethnologie. Université Paris-Diderot – Paris VII, 2009. . A paraître Editions CNRS
KAà«S R., 1989, ” Ruptures catastrophiques et travail de la mémoire “, in Violences d’État et psychanalyse, Dunod.
LAPIERRE N., 1989, Le silence de la mémoire. à€ la recherche des Juifs de Plock, Paris, Plon. PIRALIAN H., 1995, Génocide et Transmission, Paris, L’Harmattan.
PUGET J., 1989 (dir et all), Violence d’État et Psychanalyse, Paris, Dunod.
PUIG N., 2009, ” Exils décalés. Les registres de la nostalgie dans les musiques palestiniennes au Liban “, Revue Européenne des Migrations Internationales, Créations en Migration Parcours, déplacements, racinements (dirs. M. Martiniello, N. Puig et G. Suzanne), n 2 (vol. 25), p. 83-100.