Disparition de Martine Hovanessian

Martine Hovanessian a rejoint l’URMIS dès sa reconnaissance par le CNRS et l’Université Paris 7, en 1996. Chercheure au CNRS, anthropologue, elle a participé activement aux activités du laboratoire et contribué à son rayonnement grâce à ses publications, sa présence dans des comités de rédaction de revues, son enseignement, l’organisation de colloques.

Sa réputation et sa notoriété lui ont valu de devenir Directrice de recherche.

Elle était une grande spécialiste, reconnue internationalement, de la diaspora arménienne dont elle est issue. Son originalité tenait à la capacité, qui a été la sienne, de franchir les frontières disciplinaires, notamment autour de l’exil et du traumatisme post génocidaire.  Histoire, philosophie, psychanalyse, littérature ont été pour elle des ressources qui lui ont permis de dépasser la monographie d’un groupe et de monter en généralité sur ces questions.

Dans ce contexte, elle a accordé une importance majeure à l’histoire orale, aux traces de mémoire et aux écrits des survivants.  Elle me disait souvent et elle l’a écrit : « comment recoudre les fragments » de vies et de territoires éclatés ?

J’ai eu l’honneur de diriger son Habilitation à diriger des recherches (HDR), soutenue en avril 2009 à l’Université Paris-Diderot. En 2013, elle a rassemblé une partie de ces matériaux dans l’ouvrage : « Les récits de nos vies « atteintes ». Une histoire arménienne inconcevable. Éditions l’Harmattan.

Elle a organisé de nombreux colloques et notamment en 2017 un colloque sur « l’Anthropologie de la disparition ».

Elle a également élargi ses champs de recherche aux sociétés post-soviétiques, en particulier à l’Arménie devenue indépendante et à son rapport avec la diaspora mondiale.

Femme engagée pour l’autonomie et les moyens de la recherche, elle était restée très proche des Arméniens de France qui lui rendent aujourd’hui hommage.

La revue Nouvelle d’Arménie Magazine lui a rendu hommage dès le lendemain de son décès : « Elle dédia toute sa vie à la mémoire arménienne et à tous ceux qui durent connaître, un jour, le long chemin de l’exil. Sa montagne nous observe, vers le clair matin. Son exil s’arrête ici » écrivent ses proches sur sa page Facebook à l’annonce de sa disparition « survenue brutalement » à l’âge de 66 ans.

Nous la savions souffrante, mais ses collègues s’attendaient à une reprise de contact à la rentrée.

Pour moi (aujourd’hui à la retraite) je perds une compagne des épisodes parfois compliqués de la construction d’un laboratoire de recherche et j’en ressens une grande peine.

C’est une perte considérable pour l’URMIS, le CNRS, l’Université et pour les sciences sociales.

Maryse Tripier
Co fondatrice de l’URMIS,
23 juillet 2019.