Discriminations ressenties et inégalités sociales : des données statistiques aux récits biographiques

Projet retenu par l’ANR (programme blanc 2006), coord. A. Frickey


Les recherches sur la discrimination en sciences sociales ont essentiellement privilégié des approches normatives basées sur la mesure d’un écart de situation entre un groupe supposé discriminé et un groupe de référence. Ces approches disposent d’un pouvoir explicatif limité sur les relations liant discrimination et inégalités sociales. Pour approfondir l’analyse de ces liens, nous proposons ici de partir d’une approche alternative de la discrimination qui se centre sur la perception de l’individu et non plus sur son appartenance à  un groupe supposé discriminé. En se fondant sur la notion de ” discrimination ressentie “, on privilégiera donc le rapport subjectif aux discriminations et leur cumulativité éventuelle comme objet de recherche.

Ce projet comporte trois volets :

1. La discrimination ressentie : définition et caractérisation

Cette première partie, à  visée méthodologique, est destinée à  mieux caractériser la notion de discrimination ressentie. On s’appuie ici sur des données statistiques (les 3 interrogations de l’enquête Génération 98 du Céreq) concernant des jeunes sortis du système éducatif en 1998 et interrogés à  différentes étapes de leur vie professionnelle (à  3, 5 et 7 ans après la fin de leurs études), en insistant sur le fait que l’information rassemblée sur les mêmes personnes permet d’observer la permanence ou non dans le temps de la perception des discriminations dans la vie professionnelle. Il s’agira, en exploitant les réponses à  la question concernant les discriminations déclarées, de préciser la nature, les causes et les récurrences de faits ou d’attitudes perçus et signalés comme discriminatoires.

2. Groupes et individus discriminés et inégalités sociales : l’approche quantitative.

Le second axe portera sur les relations entre discrimination ressentie et inégalités sociales. Elle visera à  une caractérisation sociologique approfondie (ACM) des individus ayant perçu une discrimination sur le marché du travail à  partir des informations accumulées dans l’enquête statistique. Elle inclura également des développements analytiques économétriques visant à  caractériser les relations entre discrimination ressentie et parcours professionnels.

3. Discrimination ressentie et inégalités sociales : une analyse transversale à  partir de l’approche biographique.


A partir d’entretiens biographiques (à  réaliser) auprès de jeunes préalablement enquêtés dans Génération 98, on réinterrogera le sens même de l’expression d’un sentiment de discrimination, son degré de généralité vis-à -vis d’autres domaines de la vie sociale, la façon dont a pu se construire dans le temps cette perception, dont elle s’articule avec d’autres événements biographiques, la manière dont elle se cumule ou s’entrecroise avec d’autres formes de discriminations ressenties (à  l’école, dans l’accès au logement, les pratiques de loisirs,…). Il s’agira particulièrement d’apprécier le degré d’intériorisation que manifestent les jeunes vis-à -vis de la discrimination subie mais également potentielle, les anticipations de difficultés qu’ils formulent et les pratiques d’auto-sélection qu’ils s’imposent et se sont imposés au long de leurs parcours, scolaire, professionnel, personnel. On confrontera à  cette fin d’une part les discours de jeunes présentant les mêmes profils dans l’enquête statistique et s’étant déclarés pour certains discriminés sur le marché du travail et pour les autres non discriminés et, d’autre part, les discours de jeunes dont le profil ne varie que sur le marqueur social déclaré comme source de discrimination (sexe, origine nationale).


Les chercheurs du programme ANR « Discriminations ressenties et inégalités sociales : des données statistiques aux récits biographiques » ont organisé une journée d’études et de débats sur « Le ressenti des discriminations et les inégalités sociales », le 4 mai 2010 à  Nice.